L’examen du Projet de Loi Bioéthique aura été caractérisé, lors du débat parlementaire, par deux phénomènes remarquables. 

D’une part, de façon tout à fait inhabituelle, chacun a été renvoyé à sa propre histoire. J’ai appris des choses, à l’occasion d’échanges avec mes collègues, que je ne soupçonnais pas. De la part de personnes avec lesquelles j’entretiens des relations qui sont devenues d’amitié, depuis deux ans et demie, j’ai appris des parties de leur propre vie, de ce qu’elles avaient vécu, relevant de l’intime ou, en tous cas, éminemment personnelles. 

Ces « parcours de vie » transportent leur lot d’émotions, de bouleversements, de vulnérabilité aussi, qui forcent le respect, parfois l’admiration, toujours l’humilité. Ce projet de Loi est celui, depuis le début du quinquennat, qui aura creusé le plus de profondeur dans les échanges, en renvoyant chacun à son propre parcours, à sa relation à des notions d’une particulière gravité. 

D’autre part, malgré l’évidence de prises de position opposées et irréconciliables, les débats auront été singulièrement respectueux, sur tous les bancs. Nous avons connu des ambiances très tendues, parfois proches d’une certaine hystérie dans l’hémicycle, marquées par des « coups de gueule » voire des invectives exaspérés. Mais lors de ce projet de Loi, les prises de parole ont été posées, souvent graves, toujours soucieuses du respect des interlocuteurs. 

C’est un Projet de Loi qui a abordé des sujets d’une exceptionnelle profondeur, d’une particulière gravité, forçant chacun à une certaine forme d’humilité, de dignité, devant la portée de ce dont il était question. 

C’est fort de ces observations que je m’apprête à rendre compte de mon vote, par cet écrit. Je vais m’efforcer d’être pondéré et de ne choquer personne, tout en faisant part de convictions personnelles et profondes. Et je ne vais pas m’interdire d’évoquer, bien que je préfère en général rester pudique, des ressorts très personnels de mon propre cheminement. 

Pour en rendre compte, je vais articuler mon propos autour de quatre points. 

  • – Ma tendance initiale au vote pour, selon des motifs que je vais préciser ; 

  • – Ce que m’ont appris bien des lectures et des rencontres, en amont de l’examen du texte ; 

  • – Une réflexion personnelle sur ce que sont la famille et le couple dans notre société, et ce en quoi consiste la responsabilité d’avoir un enfant ; 

  • – Enfin, les principales raisons pour lesquelles j’ai choisi le vote contre. 

Pourquoi j’étais initialement « plutôt pour » 

Cela tient en trois points : 

  • – Mon engagement à appliquer le programme présidentiel ; 

  • – Mon adhésion à un principe de pragmatisme selon lequel, souvent, il est bon que « le droit rattrape le fait » ; 

  • – Ma position vis-à-vis de la question de la parentalité : je ne suis pas opposé à ce qu’un enfant grandisse avec deux parents de même sexe. 

Ce dernier point est sensible. C’est avec le plus grand respect pour les avis contraires que je vais tâcher d’en rendre compte. 

Mon engagement à appliquer le programme présidentiel 

Pour ce qui relève du premier point, je dois tout simplement rappeler que je n’aurais jamais été élu si je n’avais pas été investi par La République En Marche. J’étais, lors des dernières élections législatives, un « candidat Macron. » J’étais un inconnu, un citoyen comme un autre, n’ayant jamais exercé de mandat politique. Les électeurs ont voulu donner une majorité à Emmanuel Macron et c’est cette volonté qui m’a valu d’être élu, même si je n’y suis pas absolument pour rien et, surtout, si celles et ceux qui ont soutenu ma candidature et ont conduit ma campagne y sont pour beaucoup. 

Dès lors, j’ai toujours considéré que j’étais tenu par cette volonté, consistant à permettre au Président de la République d’appliquer son programme grâce à une majorité parlementaire élue pour cela. Je ne me suis jamais permis de dresser une sorte d’inventaire dans son programme m’autorisant à choisir ce qui me convenait et ce qui ne me convenait pas. 

Cela ne m’aura pas empêché d’être critique sur tel ou tel projet de Loi. J’ai voté certains textes avec plus de conviction que d’autres. C’est parfois pied à pied avec le gouvernement et, surtout, avec la Haute Administration que j’ai défendu des amendements sur des sujets que je connaissais bien, jusqu’à les faire endosser par le ou la Ministre concerné(e) (ce qui a été le cas pour la Loi Egalim, comme j’en rends compte dans l’un des articles de mon blog). 

Mais, de fait, j’assume être solidaire de mon groupe parlementaire et du gouvernement ; je suis donc disposé, a priori, à voter pour les textes qui nous sont présentés par le gouvernement. 

Dans le cas du Projet de Loi bioéthique, ce principe de disposition favorable a priori pouvait toutefois s’appliquer un peu différemment : d’une part, il s’agissait d’une Loi sollicitant de façon tout à fait singulière les convictions et la conscience de chacun et, d’autre part, l’extension de la PMA pour toutes les femmes (à quoi ne se résume pas tout le projet de Loi, loin de là, mais qui en est tout de même lépicentre, de nombreux points de vue) ne figurait pas parmi les principaux engagements du programme présidentiel. 

Le principe selon lequel « le droit rattrape le fait » 

S’agissant de ce deuxième point, je connaissais toutefois la position du Président de la République sur cette question et, selon moi, cette position était notamment motivée par un principe que je pense être typiquement « macronien», selon lequel l’action législative ne doit jamais consister à se voiler la face et doit toujours requérir le courage, ou la lucidité, d’affronter la réalité telle qu’elle se révèle. Or, elle évolue vite, très vite. 

Et, s’agissant de la PMA, nous sommes en présence d’une pratique médicale largement répandue, à laquelle il est possible d’avoir recours en traversant nos frontières pour simplement aller chez nos voisins, où les taux de succès d’implantation des embryons sont souvent bien plus élevés qu’en France. Sur cette base et en première approche, j’étais a priori disposé à ne pas jouer la carte du « village gaulois qui résiste encore et toujours,» non pas à l’envahisseur, mais à un monde pressé où apparaissent et se développent des possibilités qui n’attendent pas que lon se demande si elles sont souhaitables ou à déplorer. 

L’épineuse question des enfants délibérément dépourvus de père 

Et ce, tout simplement parce que, s’agissant de l’une des principales objections à l’extension de la PMA dans le champ de la Sécurité sociale, je n’y adhère pas : je ne pense pas qu’un enfant ait absolument besoin d’un père et qu’il faille s’opposer à permettre qu’il n’en ait pas de façon délibérée. 

C’est là une question d’une profondeur et d’une importance telles qu’il ne va pas m’être possible de m’en expliquer totalement dans cet article. Elle renvoie à des notions de philosophie, de sociologie, de religion qui sont délicates à manier et qui débouchent souvent sur des débats passionnés, longs, jamais vraiment terminés. 

Mais sur ce sujet, auquel j’avais réfléchi en son temps à l’occasion du « mariage pour tous » (appellation malheureuse, du reste, la notion de mariage renvoyant à deux systèmes juridiques totalement distincts : celui du Code civil et celui du droit canon), je n’ai pas trouvé d’étude ni de résultat d’enquête qui aboutisse à un consensus au sein de la communauté des universitaires et des professionnels de la pédopsychiatrie, psychologues pour enfants ou autres thérapeutes, qui permette de trancher. 

A ma connaissance, il n’est pas établi qu’un enfant ayant grandi sans père, que ce soit au sein d’une famille monoparentale ou avec deux parents du même sexe, est exposé à plus de risques de maltraitance, de carences affectives ou plus globalement d’un manque de repères qui altèrerait sa capacité à forger son identité, s’épanouir et se développer. 

A l’inverse, il est avéré que les enfants qui grandissent dans un environnement dont ils souffrent directement ou indirectement, sans parler des nombreux cas de maltraitance, relèvent largement de familles dites « PME » (Père – Mère – Enfant), lesquelles n’offrent aucune sorte de garantie a priori quant à ce dont un enfant a besoin pour être protégé dans son développement. 

C’est un sujet qui mériterait, à soi seul, de longs développements. Mais je souhaite me focaliser, à l’occasion de ce Projet de Loi, sur les motifs de ma décision de voter contre : ce n’est pas en raison de l’absence de père, délibérément prévue, que je me suis finalement prononcé. 

L’état de ma réflexion suite à de nombreuses rencontres et recherches 

En 2015, en France, le nombre de traitements de dons d’ovocytes a porté sur 1000 cycles ovariens, ce qui correspond à environ 250 à 300 donneuses d’ovocytes, pour 200 enfants nés. C’est-à-dire que le taux de grossesse à partir d’un traitement de don d’ovocyte est de 19%, et le taux d’accouchement de 14%. 

C’est singulièrement faible… il n’est pas inutile de rappeler en quoi consiste un « traitement de don d’ovocyte » et de rappeler où en étaient certains débats, il y a un peu plus de vingt ans, dans la salle des séances de l’Assemblée nationale. 

De la FIV à l’actuelle « PMA » 

Les premiers travaux de recherche consistant à obtenir une fécondation en-dehors des voies naturelles datent des années 1930. Concrètement, pour réussir une FIV (Fécondation in vitro), il faut prélever au moins deux gamètes (un ovocyte et au moins un spermatozoïde) à un stade de leur évolution (surtout pour ce qui concerne l’ovocyte) qui leur permette de fusionner, exactement comme cela se passe dans les trompes de l’appareil génital féminin, en milieu « artificiel » : dans une petite boîte comme on en trouve des milliers dans n’importe quel laboratoire de biologie (une boîte de pétri). 

C’est sur des lapins que les travaux ont été les plus concluants, tout au long du 20ème siècle. 

La toute première FIV a été obtenue en 1944. Mais l’embryon obtenu par fusion des gamètes n’a pas été transplanté dans un utérus et il n’y a donc pas eu de naissance. 

La toute première naissance obtenue par recours à une FIV, celle de ce que l’on a appelé à l’époque un « bébé éprouvette », date de 1978. 

Jusqu’à cette date, on ne procédait qu’à partir d’un seul ovocyte : celui qui était issu du processus naturel du cycle ovarien. 

A partir de 1981, un seuil est franchi, sur le plan éthique : celui du nombre. On parvient à obtenir plusieurs ovocytes grâce une technique nouvelle, de « stimulation ovarienne. » Cette question du nombre est particulièrement importante, j’y reviens plus loin. 

En 1982 naissent les deux premiers « bébés éprouvette » français. 

Et, en 1983, est créé le « Comité consultatif national d’éthique. » 

Pour mémoire, c’est sur le statut de l’embryon que portent les premiers débats, relativement à ce développement des FIV. 

Deux autres dates sont à retenir, dans ce très succinct rappel chronologique : 

  • – En 1990, est réalisée la première FIV dite « ICSI » : la fusion entre les deux gamètes n’est plus obtenue en les plaçant simplement en présence l’une de l’autre dans un milieu nutritif stable, mais par intervention mécanique. A l’époque, on aura entendu parler du « viol » de l’ovocyte… de fait, si le terme est impropre à cette échelle d’observation, il illustre un phénomène de « forçage » indéniable ; 

  • – En 2002, on pouvait estimer à environ 230 000 le nombre d’enfants nés, dans le monde, d’une FIV. 

La fameuse « PMA » dont il est question dans les media à l’occasion de l’examen de ce texte, PMA qu’il s’agirait d’étendre « à toutes », est en réalité une FIV à partir d’un don d’ovocytes voire de gamètes masculines et féminines. 

Il existe en effet plusieurs types de FIV : 

  • – La FIV « classique » ou « standard » : c’est historiquement la première, consistant à prélever un ou plusieurs ovocytes et plusieurs spermatozoïdes, les placer dans une boîte de pétri jusqu’à obtention d’un embryon de quelques jours, puis à transplanter l’embryon dans l’utérus de la future mère ; 

  • – La FIV dite « ICSI » (pour Injection intra-cytoplasmique) : c’est celle qui consiste à injecter le matériel génétique du spermatozoïde dans l’ovocyte, mécaniquement ; 

  • – La FIV dite « avec don » : don d’ovocyte, don de spermatozoïde ou double don : qu’elle soit classique ou ICSI, c’est le même procédé mais avec un ou des gamètes qui ne sont pas celui ou ceux du couple pour lequel on a recours à cette « PMA. » 

Jusqu’à l’examen du Projet de Loi 2019, ces techniques de FIV existent et on y a recours pour des motifs thérapeutiques : infertilité, risque de transmission de maladie génétique, essentiellement. 

D’où le nombre que j’évoquais ci-dessus, en 2015, de 1000 cycles correspondant aux traitements de dons d’ovocytes ayant abouti à environ 200 enfants nés. 

En effet, une FIV n’est jamais garantie. Et il faut un grand nombre de gamètes, et même un plus grand nombre d’embryons que souhaité, pour que la fécondation réussisse, pour que la transplantation de l’embryon réussisse et pour, enfin, qu’il y ait naissance. Or, cette question du nombre est, j’y reviens, un enjeu éthique qui n’a jamais vraiment été tranché. 

L’enjeu des embryons surnuméraires 

En 1994, comme je le rappelle dans un autre de mes articles, un autre Projet de Loi Bioéthique a été adopté par l’Assemblée nationale et il prévoyait, notamment, l’élimination des embryons surnuméraires. Or, des députés de la majorité avaient saisi le Conseil constitutionnel pour vérifier si cette disposition était bien constitutionnelle. 

Et, dans sa réponse, le Conseil constitutionnel avait seulement rappelé le principe du respect de la personne humaine mais, non seulement sans se prononcer sur le statut de l’embryon, mais en renvoyant à « l’état actuel des connaissances et des techniques » au lieu d’invoquer, ce qu’il fait traditionnellement, « l’erreur manifeste. » 

C’est dans un autre article que je me suis penché sur ce cas, très singulier et particulièrement intéressant, de problème éthique. 

Plus de vingt ans plus tard, où en sommes-nous ? Sommes-nous plus « éclairés » sur le statut de l’embryon, dans « l’état actuel des connaissances et des techniques », lesquelles ont considérablement évolué ? 

Pas le moins du monde. Et nous en viendrions presque à légiférer sur la base de raisonnements par l’absurde. 

L’embryon n’est nécessairement pas une personne humaine parce que : 

  • – S’il l’était, personne ne serait autorisé à en produire en surnombre, pour les congeler voire, finalement, les détruire ; 

  • – Or, il existe une très grande quantité d’embryons en surnombre et il en a déjà été supprimé une non moins grande quantité, sans que personne ne risque d’être poursuivi devant la justice ; 

  • – C’est donc que personne n’est coupable de violer le principe constitutionnel de respect de la personne humaine en produisant trop d’embryons voire en les supprimant ; 

  • – C’est donc que l’embryon n’est pas une personne humaine. 

Le problème d’un tel raisonnement, c’est qu’il a quelque chose d’autoréférentiel : l’embryon ne peut pas être une personne humaine parce qu’il est permis de faire comme s’il ne l’était pas. De fait. 

Mais de droit ? La question est éludée. 

Entendons-nous : je ne prétends pas que l’embryon soit une personne humaine. Je prétends seulement que c’est extrêmement profond, comme question, et qu’on ne peut décemment pas se satisfaire de constater ce qu’il est techniquement possible de faire pour l’éluder. 

A présent, penchons-nous sur cette question du nombre, que je soulignais à plusieurs reprises, ci-dessus. La technique de la stimulation ovarienne permet donc d’obtenir plusieurs ovocytes : avant d’avoir plus d’embryons qu’il n’en faut pour en transplanter, il faut avoir plus de gamètes qu’il n’en faut pour qu’un ovocyte soit fécondé. 

Et revenons à ces fameux chiffres de 2015 : 19% de taux de grossesse et 14% de taux d’accouchement, en France. En fait, ce taux passe à plus de 70% à l’étranger… il est bien supérieur en Espagne, en Belgique à ce qu’il est en France. En République Tchèque, ce sont plus de 6000 cycles par an qui font l’objet d’un traitement de dons d’ovocytes, pour quelque 10 millions d’habitants… contre 1000 pour près de 70 millions d’habitants en France. Il existe six embryoscopes en France. Un embryoscope est une sorte de couveuse d’embryons qui permet d’en surveiller de très près l’évolution ; c’est un incubateur. On en compte quatre dans la plus petite clinique de la République Tchèque… 

Pourquoi donc les taux de grossesse et d’accouchement sont-ils tellement plus élevés à l’étranger qu’en France ? Tout simplement parce qu’il y a bien plus de dons de gamètes à l’étranger. Les français donnent peu, très peu. Mais ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que, lorsque l’on dispose d’un bien plus grand nombre de gamètes puis d’embryons, on peut tout simplement… choisir. Sélectionner. 

Nous ne sommes pas loin de l’eugénisme : cette idée selon laquelle il est bon d’intervenir de façon volontaire dans la sélection du matériel génétique promis à reproduction pour améliorer le patrimoine génétique moyen de toute la population. 

J’en reviens à l’un des arguments de départ : le monde est ce qu’il est, à quoi cela servirait-il que la France y résiste ? ne vaut-il pas mieux encadrer ces techniques chez nous plutôt que de renvoyer nos concitoyens vers ce qui se pratique à l’étranger ? 

C’est un argument que je comprends et que je serais prêt à m’approprier… si nous avions le débat que nous n’avons pas. A propos d’eugénisme, un collègue a évoqué, dans l’hémicycle, le cas de la trisomie 21, en déplorant que l’on encourage les couples à interrompre les grossesses en cas de trisomie 21 avérée. Une autre intervention a consisté à rappeler que la question était tranchée, depuis que le diagnostic prénatal était autorisé pour diagnostiquer les cas de trisomie 21. Mais je ne me souviens pas d’un tel débat, en France, sur la question de savoir quelle politique publique devait être conduite pour accompagner les couples risquant d’avoir un enfant trisomique… et, d’expérience, je sais que cet accompagnement peut être extrêmement choquant. Que l’on peut se retrouver avec un représentant de l’autorité médicale qui va littéralement vous encourager à avoir recours à une amniosynthèse, au risque de tuer le fœtus, parce qu’il présume, sans l’avoir vérifié, que vous n’admettrez pas d’avoir un enfant trisomique. 

Voici donc où nous en sommes, après cette saisie du Conseil constitutionnel en 1994 : il est effectué un tri parmi les gamètes qui sont stockées, il est effectué un tri parmi les embryons obtenus, il en est congelé une quantité considérable et, en termes de débat public, la question qui s’impose est celle de savoir si un recours à ces techniques devrait être autorisé sans motif thérapeutique ou médical… 

Car, au fond, si la recherche en matière de FIV a tellement progressé, depuis des décennies, malgré les objections éthiques qui lui ont été opposées à intervalles réguliers, c’était pour soigner ou, à tout le moins, agir dans des cas d’infertilité ou de maladie génétique. 

Mais, s’agissant d’avoir des enfants, la FIV n’est-elle pas, depuis l’origine, qu’un ultime recours ? 

Le recours à la FIV sans motif thérapeutique ou médical 

C’est bien de fertilité, voire de fécondité, qu’il est question. 

Un couple qui ne parvient pas à avoir des enfants, c’est beaucoup plus fréquent qu’on ne pourrait le penser. On dispose de données statistiques, sur ce point. C’est une question de définition. 

On considère qu’un couple a des difficultés (sous-entendu : anormales…) à avoir des enfants si aucune grossesse ne survient malgré des rapports sexuels réguliers pendant un an. Selon cette définition, en France, un couple sur cinq a des difficultés à avoir des enfants. Un sur cinq, c’est une proportion extrêmement importante… 

Or, que propose-t-on à un tel couple ? en général, une approche mécaniste et physiologique. Tests, suivi gynécologique, examens divers et variés ; puis, au terme d’une longue période entièrement focalisée sur la fécondité féminine, spermogramme ; puis, éventuels traitements hormonaux ; puis, analyses médicales ; et seulement, enfin, proposition de recours. 

Tout ce parcours peut facilement prendre plusieurs années. Mais, surtout, les couples y sont soumis sans accompagnement psychologique, sans vérifier qu’ils ont accès à l’information qu’ils souhaitent ou dont ils ont besoin… un accompagnement et une information qu’ils trouveront en adhérant à une association, ou par leurs propres moyens, sur Internet notamment. 

Une question se pose, en général, assez vite au sein d’un couple qui « a des difficultés à avoir des enfants » : celle de l’adoption. Mais, là, c’est encore pire. Il faut obtenir un agrément. Cela aussi peut, à soi seul, prendre des années. 

Parmi les personnes que j’ai rencontrées, sur ce sujet du traitement et de l’accompagnement des situations d’infécondité ou d’infertilité (ce qui, au passage, n’est précisément pas la même chose), un responsable d’une association a eu ce témoignage édifiant, à propos de ses adhérents : « Au début, les gens se disent : tiens, on va se tourner vers l’adoption. Et puis ils se rendent compte que c’est pire. » 

En termes de délai, de manque d’information, de défaut d’accompagnement : pire. Pire que le recours à… la PMA, soit encore à la FIV. 

En définitive, non seulement les progrès de la recherche, des connaissances et des techniques sont allés bien plus vite que notre capacité à nous interroger, à l’occasion de délibérations et de débats publics, démocratiques, contradictoires, sur les enjeux éthiques de cette accélération biotechnologique ; mais en plus, cette évolution s’est quasiment faite aux dépens des ressorts psychologiques, de la mise à disposition d’information et de l’accompagnement tout simplement humain des couples qui ont « des difficultés à avoir des enfants. » 

Personnellement, cela me laisse songeur. 

A ce stade de ma réflexion et de mes recherches et rencontres, la perspective de faire entrer dans le champ de la sécurité sociale le recours à une technique médicale sans motif thérapeutique, c’est-à-dire sans maladie ni dysfonctionnement physiologique, m’a interrogé plus profondément. 

Nous vivons dans une société où de nombreuses questions sont encore tabou. C’est le cas de celles relatives à la sexualité. Sous couvert de « libération des mœurs » et de revendications plus ou moins libertaires, nous sommes toujours aussi inconséquents dans notre façon de prévoir l’éducation sexuelle des enfants, la mise à disposition des informations de base pour s’épanouir, se protéger et protéger autrui. 

De nombreux sites, forums et associations existent pour accompagner, s’informer, discuter, s’entraider ; mais au fond, chacun, chaque couple est laissé à lui-même. Chacun se débrouille. L’autorité médicale reste caractérisée par son approche mécaniste, focalisée sur la technique, lorsqu’elle est sollicitée. 

L’un de mes collègues a rendu un témoignage édifiant, parmi ceux qui m’ont marqué, lors des nombreux échanges que nous avons eus. Son couple a eu recours à sept tentatives de FIV. C’est considérable. Après la septième, l’autorité médicale avec laquelle il était en contact l’a aiguillé vers une association. C’était une association qui proposait des GPA en Russie. Mon collègue et son épouse se sont retrouvés avec un catalogue qui proposait des mères porteuses comme Ikea, du mobilier. Possibilité de choisir sur photo. Avec caractéristiques du « produit » : ascendance, formation… c’est à peine s’il n’était pas précisé le QI. C’était en 2004. 

Et, dans ce contexte de manque d’informations, de défaut d’accompagnement, de mécanismes d’adoption dont on pourrait se demander s’ils ne sont pas conçus pour être décourageants, la question qui s’impose est celle de savoir si des femmes seules ou en couples pourraient prétendre aux mêmes techniques de PMA que tous ces couples qui galèrent parfois pendant des années en étant livrés à eux-mêmes ? 

A ce stade, je vais prendre le temps d’évoquer certains points éminemment personnels, à propos de famille, d’éducation et de couple… car je souhaite que le cheminement de ma réflexion soit compris, à défaut d’être partagé. C’est humblement que je vais tenter de le faire. 

Famille, couple, éducation : réflexions personnelles 

Comme la plupart des hommes lorsqu’ils deviennent pères, je présume, j’ai appréhendé ce qu’allait être l’exercice de cette responsabilité. Je me suis demandé si j’allais y parvenir, ce qu’il fallait que je fasse pour y parvenir, ce que c’était, concrètement, qu’être « père » et, plus encore, être un « bon » père. 

Et, tout au long de la première grossesse de mon épouse, il y a quelque chose qui m’a beaucoup fait réfléchir. Je voyais son corps se transformer, ses humeurs changer ; j’étais le témoin de ce bouleversement inouï qu’est le développement, dans le vendre d’une femme, d’un embryon puis, surtout, d’un fœtus. Mais, moi, je ne vivais rien de particulier. Il ne se passait absolument rien de spécial dans mon corps. L’expérience qu’elle faisait, elle, de la grossesse, n’avait absolument aucune équivalence dans l’expérience que j’en faisais moi-même : celle d’un témoin, passif, totalement étranger au phénomène et, du point de vue de la nature au moins, rigoureusement inutile. 

Une femme sait qu’elle est mère. Elle le vit. Hormis les cas pathologiques assez sordides et, fort heureusement, rarissimes de déni de grossesse, elle ne peut pas ne pas le savoir. Cela se passe, qu’elle le veuille ou non, en elle-même. 

Un homme ne sait pas qu’il est père : il l’apprend. Il s’en convainc. Mais, au fond, c’est totalement abstrait. Tout vient du témoignage d’une femme qui lui dit, même si ce n’est pas avec des mots, même si c’est dans le quotidien d’une vie commune, « c’est le tien ; il est de toi. » 

Dès lors, au moment de la naissance de mon premier fils, j’ai passé beaucoup de temps à établir un contact. Je voulais qu’il apprenne, lui aussi, la place que j’allais avoir dans sa vie. Je me sentais totalement étranger à lui ; je pensais bien, malgré le son de ma voix qu’il avait perçue dans le ventre de sa mère, malgré les gestes qu’il avait dû sentir, qu’il était lui-même un étranger dans « mon » monde, ce monde qui change du tout au tout lorsque naît un enfant. 

Et j’en ai retenu ceci : vérifier avec le temps quelles ressemblances le liaient à moi, quelles marques signaient ses origines, cela m’importait peu. C’était parfaitement secondaire. La responsabilité que j’avais choisi d’assumer vis-à-vis de lui était totalement indépendante du lien génétique, biologique, que j’avais avec lui. Je me serais investi exactement de la même manière et, surtout, exactement sur la même base de distinction radicale, d’étrangeté radicale, avec un enfant adopté. 

Comme évoqué plus haut, je ne pense pas qu’il faille, pour élever un enfant, un couple formé d’un homme et d’une femme. Ce sujet étant, je me répète, considérablement vaste et profond, je ne souhaite pas développer plus avant dans un article qui est déjà très long. 

A ce stade, ce dont je souhaitais témoigner, c’est cette conviction selon laquelle la mission qui consiste à élever, éduquer un enfant, est une mission qui projette hors de soi-même, qui sépare presque de soi-même. C’est une responsabilité que l’on prend vis-à-vis de toute la société, dans la nôtre en tous cas dont la « cellule de base » est la famille dite « nucléique », l’adjectif « conjugal » n’étant plus vraiment de mise, depuis que le modèle « conjugal » est précisément entré en crise dans les années 70, avec l’apparition des familles recomposées, monoparentales, homoparentales. 

Cette responsabilité qui projette au-delà de soi-même, je pense qu’elle ne laisse pas beaucoup de place à quoi que ce soit de narcissique, d’autocentré, d’égoïste… j’espère ne pas choquer en choisissant ces termes. Je n’en trouve pas d’autres. 

On a beaucoup entendu parler, à l’occasion de ce Projet de Loi, de « projet parental. » Cette notion a beaucoup été invoquée pour caractériser ce qui était important, pour l’enfant à naître : le fait d’être désiré par une ou deux personnes ayant bâti un projet autour de cette naissance. J’ai le sentiment que l’on s’est beaucoup rassuré avec cette notion… comme si elle devait soulager une inquiétude, ou une incertitude. 

Mais, personnellement, c’est une notion qui ne m’a pas du tout convaincu. 

Bien sûr, un enfant peut être investi, avant de naître, de beaucoup de désir, de projection de la part de ses parents, et correspondre à un « projet » de couple consistant à fonder un foyer. 

Mais cela est-il indispensable ? Cela est-il même un gage de qualité de son futur environnement ? de mon point de vue, aucunement. 

Un enfant est surtout un parfait inconnu. C’est surtout un condensé d’imprévu, de bouleversement, de changement radical, de surprise. Il peut très bien apparaître, sous la forme d’une grossesse inattendue, comme un intrus auquel rien n’a préparé et, comme par magie, révéler la source inépuisable d’un amour qu’il ne prend pourtant à personne, dont il ne prive personne dans sa fratrie, sa famille. 

A la limite, je préfère presque qu’il en soit ainsi plutôt que le contraire : j’en serais presque à me méfier d’un désir d’enfant qui s’accompagnerait d’un « projet » tellement anticipé, réfléchi, ordonné. Un enfant est toujours beaucoup plus qu’un projet et, lorsqu’il en est l’objet, il faut s’attendre à ce qu’il en révèle toute l’inanité, voire la vanité. 

Un enfant, c’est surtout cette part de mystère qui bouscule tout ce que l’on croit savoir, tout ce dont on a l’habitude et dont on est familier, et qui fait grandir ses propres parents en leur donnant une humanité dont ils n’ont aucune idée avant d’en prendre toute la mesure, dans l’exercice de la responsabilité la plus belle, la plus redoutable et la plus merveilleuse de toutes. 

Dès lors, le désir voire la revendication d’avoir un enfant qui soit « le sien », celui de « son sang » pour ainsi dire, génétiquement affilié à soi, me paraissent précisément assez autocentrés et, de ce point de vue, relativement éloignés de ce qu’est, de mon point de vue, l’exercice de la responsabilité parentale. 

Je peux comprendre ce désir, je ne nierai pas l’avoir éprouvé. Encore que mon désir était d’avoir un enfant qui ressemble à mon épouse plutôt qu’à moi-même, au moment du choix de fonder un foyer. Je peux imaginer la souffrance de deux femmes vivant en couple, ou d’une femme seule, désireuses d’avoir un enfant en sachant que c’est impossible sans recours à « un tiers. » 

Mais si je peux comprendre ce désir, imaginer seulement cette souffrance, je ne peux que constater que ce ne sont pas là pour moi des motifs de légiférer. Le Projet de Loi ne porte pas sur ce point, du reste : la FIV avec don ou double don de gamètes ne garantit pas toujours l’origine des gamètes… l’enjeu de la filiation étant posé tout autrement. Mais le fait est là : il n’a pratiquement pas été question d’adoption. 

Je m’efforce de m’exprimer avec justesse et respectueusement, dans l’espoir de ne blesser personne. 

J’en viens donc à ce qui va conclure cet article : les principales raisons pour lesquelles j’ai décidé de voter contre ce Projet de Loi. 

Les raisons de ma décision : pourquoi j’aurai finalement voté contre 

Je pourrais les résumer en trois points. 

Faire entrer dans le champ de la Sécurité sociale un acte médical qui n’a pas de motif thérapeutique : non 

C’est un seuil, sur le plan éthique, que je ne veux pas franchir. 

Que les techniques de PMA aient tellement progressé, je m’en félicite. Je crois aux progrès des sciences et des techniques. Je crois dans le développement de la connaissance. Que l’on puisse venir en aide à plus de personnes qui souffrent de maladies, de carences, d’anomalies physiologiques ou corporelles, tant mieux. 

Mais que l’on étende le recours de la PMA à des personnes qui ne peuvent pas avoir d’enfants en raison de leurs choix de vie ou de leur situation amoureuse, c’est-à-dire sans que rien ne soit abîmé, dysfonctionnel ou imparfait dans leur corps, je n’y suis pas favorable. 

Je préfèrerais que l’on s’interroge sur l’adoption, pour choisir d’en faire l’épicentre d’une politique publique d’accompagnement des couples ayant « des difficultés » à avoir des enfants, en permettant de choisir d’adopter des enfants en bas-âge, en simplifiant et en accélérant les procédures d’agrément, en développant des accords avec les pays pour lesquels cela aurait le plus de sens. 

Donner suite au désir d’avoir « son » enfant, en faisant l’impasse sur le recours à l’adoption : non. 

L’accélération des progrès en biotechnologie donne le vertige. Nous sommes en 2019, et nous procédons à des sélections de gamètes (à l’étranger) et d’embryons (en France et à l’étranger) sans qu’un débat public et / ou parlementaire ait permis de statuer sur la question des pratiques relevant de l’eugénisme, ni de statuer sur le statut, précisément, de l’embryon. 

J’ai progressivement pris conscience, au fur et à mesure de l’examen de ce texte, du malaise que j’éprouvais à l’idée que nous courons après la technique. Nous en sommes à avoir le pouvoir de donner suite au désir d’avoir « son » enfant, de personnes qui ne peuvent pas en avoir sans intervention technologique. C’est quelque chose, je dois le reconnaître avec autant d’humilité que possible, qui constitue pour moi « une ligne rouge. » Un enfant est tellement, pour moi, un don, une surprise, un mystère, que l’idée même de se soucier d’avoir « le sien », celui « de son sang », avec « ses gènes », n’y correspond pas. 

Courir un risque de légitimer, à terme, la GPA : non. 

Enfin, malgré la sincérité de celles et ceux qui l’affirment, dont je ne doute pas, je crains trop fortement que nous ouvrions la porte à des arguments juridiques pour que la GPA soit, à terme, légalisée. Nous aurons eu le souci de donner à des femmes seules, ou en couple, la possibilité d’avoir les mêmes recours que des couples hétérosexuels qui ont des difficultés ou qui ne peuvent pas avoir d’enfants : je ne vois pas bien ce que nous dirons à des hommes en couples qui revendiqueront d’avoir, eux aussi, des enfants à partir de « leurs » gamètes. 

Et je préfère ne pas donner suite à cette revendication. Je préfère que la recherche et les progrès de la science profitent aux personnes qui souffrent de maladies, de malformations, de dysfonctionnements physiologiques que la médecine fait serment de combattre, et seulement à elles, du moins pour ce qui relève de la prise en charge par la collectivité de son coût d’intervention. 

 

Pour toutes ces raisons, j’aurai donc choisi de me prononcer contre ce texte. 

 

C’est en conscience que j’aurai pris cette décision. 

 

Je reste pleinement membre du groupe parlementaire LaREM et solidaire du gouvernement. 

 

J’espère m’être exprimé avec suffisamment de respect pour chacun. Car s’il est un sujet sur lequel nul ne peut prétendre donner de leçons, et qui ne peut qu’être débattu, c’est bien celui-là, comme tous ceux qui touchent à ce dont nous sommes tous redevables les uns vis-à-vis des autres : notre part d’humanité. 




6 commentaires

Georges · 15 octobre 2019 à 21 h 44 min

Totalement en accord avec votre vote nourri d’une analyse et d’une réflexion justes.

Catherine · 16 octobre 2019 à 13 h 47 min

Merci pour la profondeur de votre réflexion, si bien exprimée à travers ce texte. La complexité de la question et les vrais enjeux sont clairement posés et je partage votre positionnement.

WPL · 16 octobre 2019 à 20 h 52 min

Il aura fallu près de 2,5 ans avant que je trouve une raison de vous féliciter.
Preuve qu’il ne faut pas désespérer, ce jour est arrivé donc je vous félicite pour votre vote.

Félicitations pour cette réflexion que vous auriez néanmoins pu exprimer en 3 fois moins de mots. Combien auront eu la patience d’atteindre vos meilleurs arguments ?

Enfin je me permets de vous indiquer qu’il manque une dimension à votre analyse qui me semble être la plus importante, surtout de la logique de notre droit qui doit protéger les plus faibles. Je veux parler de l’intérêt de l’enfant.

Vous avez tué le rôle de père un peu vite par des arguments d’autorité vaseux pour éviter un probable procès en proximité avec le message principal de la manif pour tous. Ceux que vos collègues qualifient rapidement d’homophobes.

Nous sommes tous légitimes à parler de l’intérêt de l’enfant au titre de celui que nous avons été. Ce n’est pas le père que nous sommes qui a un intérêt dans ce débat, c’est le rapport à celui que nous avons eu ou que nous n’avons pas eu qui importe. Diriez vous à votre père que avec ou sans lui votre construction aurait été la même ?
Le parrain homosexuel d’une de mes filles a énormément souffert de l’absence de son père (je précise la sexualité de celui pour la seule raison que je fais partie de ceux qualifiés d’homophobes ).
Et encore lui avait la chance de connaître sa filiation.
La filiation, cette question existentielle parmi celles que l’on s’est certainement tous posé même lorsque nous étions dans un schéma classique. Alors que dire lorsque de se construire dans un schéma de filiation purement artificiel sans autre raison d’exister que par la science et la folie du législateur ?

Oui je félicite même si j’aurais aimé voir cette dimension dans votre exposé.

Laborde · 17 octobre 2019 à 15 h 32 min

Merci bcp pour votre analyse dans ce Projet de Loi Bioéthique. Je pense tout comme vous, que l’important c’est la responsabilité que l’on prend et l’amour que l’on donne à l’enfant, qui es le plus important. Avec ou sans père. Concernant les raisons de votre décision de voter contre :
– Je partage la première raison (prise en charge par Sécurité Sociale…pas de motif thérapeutique)
– Par contre, « donner suite au désir d’avoir son enfant… » : vous avez-vous-même soulevé les difficultés des cas d’adoption, il me semble que cette raison va à l’encontre…. D’autant que l’on pourrait faire la même objection au sujet de couples stériles…
– Sur la dernière raison « courir un risque de légitimer à terme la GPA » : je partage ce point également.

Dominique · 18 octobre 2019 à 8 h 21 min

Bravo pour avoir pris le temps d’exposer la profondeur de votre réflexion. Votre choix est honorable. J’apprécie la manière dont vous remplissez votre mandat.

Jérôme · 28 juillet 2020 à 20 h 02 min

Cher Frédéric Descrozaille,

Merci pour cet article profond, honnête, apaisé, témoignant de recherches et d’interrogations authentiques qui honorent non seulement votre fonction de parlementaire, mais également votre conscience d’homme.
Nous voici chacun, par ce fait même, renvoyé à notre propre conscience et à notre expérience personnelle.
Vous dites une chose qui m’apparaît capitale : la vie d’un être humain ne doit pas être le produit d’une volonté humaine, car la vie humaine est à la fois don et mystère. La légitimité d’une vie humaine ne peut dépendre en effet d’une volonté humaine. C’est pourquoi, la notion de « projet parental » qui sert de clé de voûte aux dispositions de la loi en ce qu’elle est un critère de sélection de l’embryon, me paraît très choquante.
Il me semble ensuite que, sauf à se nier lui-même, le droit ne peut pas courir après le fait. Certaines évolutions techniques sont bonnes pour l’être humain ; d’autres présentent un danger objectif. Et la science n’a jamais permis de faire l’économie de la sagesse. Je crois très fausse l’idée que la loi doive autoriser ce qu’elle ne peut pas empêcher. Et la France ne se transformerait pas en « village gaulois » obtus du seul fait qu’elle affirmerait des principes différents de ceux avancés par d’autres nations, fussent-elles nombreuses ou plus puissantes.
Un enfant peut sans doute grandir et vivre heureux en l’absence de père. Pas une étude honnête ne doit pour autant pouvoir affirmer que l’absence du père ne peut pas être une source de souffrance personnelle dans un nombre de cas potentiellement élevé. Il me semble que la loi outrepasse son champ d’action légitime en organisant, contre la filiation naturelle, l’absence du père. Les conséquences de ce choix seront très importantes. Il ne sera bientôt plus possible dans les manuels scolaires d’évoquer la figure du père comme un point de repère partagé.
Vous avez mille fois raisons de dire qu’un enfant n’est pas un objet, mais bien un sujet et que l’éducation est tout le contraire d’une volonté tendant à considérer l’enfant comme sa chose. Mais dans l’expression « mon enfant », je comprends bien moins « tu m’appartiens » que « je t’aime et je t’aimerai inconditionnellement, quoiqu’il arrive, car tu es la chair de ma chair et l’os de mes os ». Le lien charnel et la filiation naturelle, bien loin à mon avis d’être des vecteurs d’appropriation, sont un soutien à la gratuité et à la fidélité, à travers et parfois malgré les vicissitudes du temps. Le père que je suis se fait ainsi souvent cette réflexion que parce que mes enfants m’ont été donnés gratuitement, il me faut les aimer jusqu’au bout comme un père, gratuitement, et non parce qu’ils répondent à mon projet. Bien entendu, l’amour gratuit et fidèle s’exerce aussi dans la filiation adoptive et bien heureusement indépendamment même de tout lien de filiation. Mais la filiation naturelle permet à l’enfant d’inscrire sa propre histoire dans une ascendance, celle d’une famille, d’un peuple, d’une culture, d’y trouver un point d’appui pour construire sa propre liberté en s’inspirant de leurs vertus et en recevant leurs fautes passées comme autant d’invitations à la prudence et à la réflexion sur soi-même.
Pour finir sur votre bel article qui appellerait bien d’autres commentaires, comme vous avez raison de replacer l’adoption au centre du débat ! Nos sociétés ne seraient-elles pas plus apaisées si au lieu d’orienter systématiquement les grossesses non désirées vers la destruction de l’embryon, elles favorisaient le développement de l’accouchement sous X et de l’adoption ?

Jérôme

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